Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ma passion des loups
ma passion des loups
Publicité
Archives
13 octobre 2021

Un petit chaperon rouge, pas si innocent que ça ! (3ème partie)

3327432054_1_2_5KCUbPQc

Cette dernière arrive peu après devant la maison de la grand – mère, frappe à la porte et le loup, se faisant passer pour la grand – mère malade, lui répond avec la célèbre formulette : « Tire la chevillette, la bobinette cherra », signifiant « tourne la poignée, la porte s'ouvrira » C'est une allusion au fonctionnement du système de fermeture des portes utilisé autrefois dans les campagnes. En actionnant, depuis l'extérieur, une petite cheville, on faisait tomber une pièce de bois mobile, appelé bobinette. Il ne restait plus alors qu'à pousser la porte. Mais on trouve peut - être ici encore une allusion au « langage couturier » de la campagne car en broderie avec fuseau et épingles, une cheville permet d'adapter la bobine de fil au fuseau. L'allusion sexuelle est encore indéniable, le petit chaperon rouge commence son initiation avant même d'entrer dans le lieu où elle aura lieu.La jeune fille, peu inquiète de la voix rauque de sa grand – mère, la croyant enrouée, entre alors dans la maison, et trouve la grand – mère dans son lit. Cette dernière l'invite alors à préparer le repas ou à goûter au repas déposé sur la table, constituée de viande et de vin. En fait, les mamelles (dans la majorité des versions) et le sang de l'aïeule, qu'il avait préalablement conservé dans l'arche (un placard) et la bassie (un récipient). Un repas cannibale qui est probablement une référence à la période où fut mis en place le conte, tel que le démontre probablement la Grande Famine de 1315 – 1317, où des cas furent répertoriés dans les sources. La jeune fille s'exécute, malgré ses interrogations (notamment sur la présence de dents dans une des versions du conte, que le loup présente comme des haricots) ou les avertissements (qui reviennent dans tous les contes, comme celui d'un chat sous la table dans la version nivernaise : « Pouah !... Salope !... qui mange la chair, qui boit le sang de sa grand. »). En effet, en absorbant les organes génitaux et sexuels de sa (grand) mère, elle devient donc une femme et acquiert à son tour le pouvoir de procréer. Donc, pour Yvonne Verdier, « le séjour dans la petite maison de la grand-mère présente donc toutes les caractéristiques d'un séjour initiatique » : soit le passage de l'état de petite fille à celui de femme.Puis le loup l'invite à se déshabiller et à partager son lit, donc à coucher avec lui. Celle – ci s'exécute de façon savamment orchestré, semblant tout à fait comprendre qui elle a en face de lui (après tout, ne lui a – t – elle pas dit où elle se rendait précédemment, sachant peut – être qu'il y arriverait avant). En effet, elle enlève un à un ses vêtements (le tablier, le corset, la robe, le cotillon, les chausses), demandant à chaque fois où les déposer. Ce à quoi le loup répond invariablement : « Jette-les au feu, mon enfant, tu n'en as plus besoin. » En effet, elle quitte les habits de l'enfance pour ceux de l'âge adulte, et tente de séduire le loup avant de partager sa couche. Lorsqu'elle rejoint nue le loup dans le lit, elle continue le jeu de séduction par le traditionnel échange de questions où elle détaille l'anatomie curieusement virile de son aïeule : « mère – grand, que vous êtes poilue, que vous avez de grands ongles, que vous avez de grandes épaules, que vous avez de longs bras, que vous avez de grandes oreilles, que vous avez de grands trous de nez, que vous avez une grande bouche ». Une version du conte montre même la jeune fille couchant réellement avec le loup, qui ici ne serait pas l'animal mais l'initiateur sexuel, dont elle comprend parfaitement l'identité.Mais contrairement à celui de Perrault, dans la majorité des contes (dont la Finta nonna), l'enfant fuira le lit et la maison, lorsque le loup lui dit à la question « que vous avez une grande bouche » : « c'est pour mieux te manger, mon enfant » (une phrase qui peut ici avoir un double sens). Voulant garder sa liberté nouvellement acquise, elle fait alors preuve de ruse, prétextant qu'elle veut aller faire ses besoins, et ce sans une quelconque présence extérieure. Et l'histoire s'arrête là, sans qu'on sache où va celle qui a « vu le loup », mais probablement pas chez sa mère car elle a gagné l'indépendance). dans la version citée plus haut, la jeune fille, après avoir découvert l'indépendance, va même plus loin, partant avec le loup après avoir récupéré les économies de la grand – mère, faisant donc d'une pierre deux coups, à une époque où les morts mêmes violentes avaient tendance à être attribuées aux animaux sauvages, dont le loup.

3327432054_1_4_I69UmGmb

Finalement, la jeune fille sort femme de la maison de la forêt. Elle n'a pas perdu la vie mais l'innocence. Il y a différentes façons de perdre la vie. Mais le monstre dans l'affaire, ce serait plutôt elle ; le loup, lui, ne fait que son métier de loup ;quant à la grand-mère, elle serait la principalevictime de l'aventure, peut – être même la véritable héroïne de l'histoire. Certaines versions le disent, titrant « Conte de la grand-mère » ou en Italie de la « Fausse grand – mère » (Finta nonna). Ainsi, en jouant sur les termes techniques d'un code artisanal (la couture ou la dentelle), lié au travail du fil : l'aiguille et l'épingle, le chaperon et la dent de loup, la chevillette et la bobinette, ce conte populaire relève d'un savoir-faire féminin, qui retrace une aventure où se lit le destin des femmes à travers leur fertilité et son acquisition par les filles au détriment de leurs mères. L'intérêt de la rencontre loup – fillette diminue donc au profit d'une lutte des générations entre femmes. Et la morale de l'histoire serait donc plutôt non « Petites filles, méfiez – vous du loup » mais « Mères – grands, méfiez- vous de vos enfants ! ».

3327432054_1_6_Is2QNGqn

Un petit chaperon rouge, pas si innocent que ça ! (4ème partie)
C'est Charles Perrault qui fixera le premier ce conte populaire des veillées sur papier, non en 1697 comme on l'a longtemps cru, mais en 1695 (le manuscrit a été découvert en 1953), dans ses fameux Contes de ma mère l'Oye, qu'il réédite deux ans plus tard des gravures deux ans plus tard par Antoine Clouzier avec le nom de Histoires ou contes du temps passé avec des moralitez.Ce conte est le seul dans son œuvre qui est un conte pour enfants, ce qui est étrange vu sa fin, mais on comprend pour quelle raisons quand on apprend qu'il relève de la catégorie des « contes d'avertissement », destinés à prévenir l'enfant des dangers qui le menacent hors de la maison.

La version adaptée par Perrault est relativement fidèle aux techniques de l'art populaire. Elle a gardé, par exemple, la célèbre formulette : « Tire la chevillette, la bobinette cherra », et aussi le dialogue haletant entre le loup et la fillette dans le lit de la mère-grand. Mais Perrault fait le choix d'occulter trois épisodes pourtant essentiels dans le conte populaire : le choix des chemins, le repas cannibale et le dénouement heureux. Le contexte du XVIIe siècle l'exigeait : d'abord, les deux corporations des aiguilliers et des épingliers sont réunies à Paris mais la rivalité continue à les opposer en province. Perrault est donc soucieux de ménager l'autorité royale qui a interdit le port de dentelles en 1640 pour mettre fin à ces rivalités qui accapare trop de monde. Ensuite, les contes pour enfants n'existaient que sous la forme de contes d'animaux, de « contes d'avertissement » et de fables. Les contes de voie orale étaient destinés aux adultes.

3327432054_1_8_SbXa9BV4

Si bien que Perrault a dû atténuer certains aspects du conte afin qu'ils puissent être lus par des enfants, même si cette version offre une fin tragique ancrée dans la catégorie des contes de passage ou d'avertissement :l'héroïne en est une jeune fille bien élevée, la plus jolie du village, d'un milieu paysan aisé (le fameux chaperon rouge, une « broderie» qu'a ajouté Perrault au conte, signifiait, au XVIIe siècle, la marque du désir des protagonistes villageois de se distinguer socialement, un signe de l'affection de la mère et de la grand-mère), qui court à sa perte en donnant au loup, incarnant la figure masculine du prédateur sexuel, qu'elle rencontre dans la forêt les indications nécessaires pour trouver la maison de sa grand-mère. Le loup mange la vieille dame en se cachant des bûcherons qui travaillent dans la forêt voisine. Il tend ensuite un piège au Petit Chaperon rouge : La fillette aux portes de l'adolescence, éprouvant une peur mêlée de curiosité, va venir rejoindre le loup dans le lit et être dévorée, car elle n'est pas assez mûre pour envisager les relations sexuelles représentées par le loup. Elle va donc se laisser « dévorer » par celles-ci. L'auteur présente le prédateur de façon sympathique comme « compère le loup ». Le mot de compère vient de Jean de la Fontaine, qui qualifie ainsi certains animaux (le renard, le loup), pour mieux en signaler la débrouillardise et l'absence de scrupules moraux. L'histoire se finit donc là sur une morale sans appel.Dans le manuscrit de 1695, découvert en 1953, à côté de la dernière réplique du loup, on trouve, ainsi, une notation montrant que ce conte était bien destiné à inviter à la prudence l'enfant : « On prononce ces mots d'une voix forte pour faire peur à l'enfant comme si le loup l'allait manger. » Le conseil est clair, car on voit dans l'adaptation de Perrault une illustration de la découverte de la sexualité. Ne disait – on pas des jeunes filles devenues femmes qu'elles « avaient vu le loup » ! Ce conte avait probablement pour but de prévenir les jeunes filles trop naïves de la bourgeoisie et de la noblesse contre les avances des hommes, pourquoi pas au roi Louis XIV (1643 – 1715) lui – même, car l'ouvrage était d'abord destiné à la cour, mais ce conte pouvait aussi être un encouragement à ne pas choisir les métiers de la prostitution, tel que le démontrerai le stéréotype d' « une jeune fille dans les bois », qui était métaphoriquement associé à la prostitution en France pendant la XVIIe siècle , ainsi que le « chaperon rouge » qui en aurait été une marque.Le succès du conte sous sa forme littéraire est immédiat et des exemplaires circulent très rapidement en France comme à l'étranger, mais elle ne dépasse pas le cercle des gens sachant lire et écrire. Cependant c'est au XVIIIe siècle avec la littérature de colportage, associant l'image à la lecture, le conte va se démocratiser et devenir tellement populaire que lorsqu'en France on fit les premiers relevés des contes populaires au XIXe siècle, certaines versions du conte populaire avait déjà été contaminé par celle de Perrault.
Ces inspirations de l'écrit à l'oral du conte de Perrault seront à l'origine du conte allemand Rotkäppchen (La Capuche Rouge) parut dans la première édition de la collection Kinder- und Hausmärchen (Contes des Enfants et du Foyer, 1812) de Jacob et Wilhelm Grimm, qui ont récoltés deux versions de deux paysannes bavaroises d'origine française, les sœurs Hassenpflung, la première par Jeanette Hassenpflug (1791–1860) et la seconde par Marie Hassenpflug (1788–1856). Dans cette version, la première partie du récit ressemble grandement à celui de Charles Perrault (il faut dire qu'il s'en inspire !), c'est principalement dans leur dénouement que les deux diffèrent.
En effet, la fillette et sa grand-mère sont sauvées par un chasseur qui suivait la piste du Loup. La suite montre la fillette et sa grand-mère piégeant et tuant un autre loup, anticipant ses gestes grâce à l'expérience acquise au cours de la première histoire. Cette variante dans le dénouement a pu faire croire à une nouvelle version indépendante de celle de Perrault, mais pour la plupart des folkloristes il s'agit en réalité de la contamination du conte français par le conte populaire allemand du Loup et les sept chevreaux, qui figurent dans la même collection des frères Grimm.Ceux – ci modifièrent l'histoire dans les éditions qui suivirent jusqu'à atteindre la version la plus connue dans l'édition de 1857. Cette version édulcorée, largement répandue, raconte l'histoire d'une petite fille qui traverse la forêt pour apporter un morceau de galette, une bouteille de vin (qui remplace le pot de beurre de la version de Perrault) à sa grand-mère. En chemin, la fillette fait la rencontre d'un loup, qui la piège à la fin et la dévore elle et sa grand-mère. Après qu'elle se soit faites fait avalée, un chasseur vient néanmoins pour les sauver en ouvrant le ventre du Loup qu'il remplit de pierres. Le Petit Chaperon rouge et sa grand-mère en sortent donc saines et sauves.

Dans les deux versions, l'adjonction d'un dénouement optimiste dans la version de Grimm a été dictée par le souci d'adapter le conte au destinataire enfantin, tant la morale du conte de Perrault était sombre. Et c'est logiquement cette version qui fut dans les livres de conte pour enfants préféré à celle de Perrault ou à celle plus ambigües du conte populaire des veillées campagnardes, évacuant ainsi toute la pédagogie de ces dernières, car l'histoire ne contient plus de morale. La preuve en est qu'aujourd'hui que c'est cette version qui s'est imposé dans l'esprit des gens qui ne savent pas qu'auparavant le conte avait un tout autre but.

J'espère que cet article vous aura appris des choses utiles sur ce conte, et notamment que de son origine à sa forme littéraire le conte peut causer quelques surprises !
 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité